Indispensable à la mesure de l’efficacité publicitaire et à la rémunération d’une partie des acteurs sur le digital, l’attribution est une démarche traditionnellement cookie-based. Alors que le parcours cross-device/ omnicanal et la réconciliation des multiples identités d’un utilisateur représentait déjà un challenge en la matière, la fin des cookies tiers, comme le consentless, vient aujourd’hui bouleverser grandement l’attribution et ses techniques traditionnelles. Quels sont les enjeux, les nouvelles règles et les best practices de l’attribution en 2022 ?
Les enjeux de l’attribution
Utilisée dans l’optique de mesurer l’impact des différents leviers (apport de nouveaux futurs acheteurs, d’intentions d’achat et de nouvelles conversions), l’attribution permet de connaître le ROI ou ROAS de chaque canal pour mieux investir sur les canaux et le parcours clients. D’autres KPI tels que le coût d’acquisition, le CPA, la contribution, les KPIs web centric (visites, transactions, CA) ou media centric (impressions, CTR, CPC, CPM), ainsi que les ventes, les incréments (on et offline) sont également observés.
En permettant de remonter jusqu’aux divers leviers qui ont influencé les conversions, l’analyse du parcours client est au cœur de la démarche, et peut également inclure le parcours et les ventes offline, dans le cadre d’analyses plus poussées destinées à prendre en compte l’intégralité de la customer journey et des canaux (ex : Marketing Mix Modeling, analyse multichannel long terme pour connaître les canaux qui contribuent le plus aux ventes). Dans le même temps, il permet également d’analyser la contribution des différents canaux.
Les différents modèles d’attribution existants sont utilisés d’une part pour obtenir des enseignements (savoir comment attirer de nouveaux acheteurs, transformer un visiteur en intentionniste, le convertir et avec quel levier ou dispositif média), et répondre à des objectifs divers en donnant davantage d’importance à un canal ou une étape en particulier.
Parmi ces modèles, on compte : le modèle au last click (objectifs de conversion), le modèle au premier clic (pour faire connaître un produit), le modèle linéaire (pour voir le parcours type d’un utilisateur ou optimiser le parcours dans sa globalité), la dépréciation et l’appréciation dans le temps, la position en U (donne autant d’importance au premier canal qu’aux canaux intermédiaires) et le modèle algorithmique (data driven) qui évolue avec le temps selon la data récoltée.
Le last click, c’est vraiment fini ?
Sur le marché, la fin du last click a été annoncée depuis des années. Or, dans les faits, le modèle au last click est encore très utilisé au sein des entreprises, et ceci selon le besoin de granularité d’informations nécessaire aux différents services.
“Aujourd’hui on continue d’envoyer aux directions des rapports au last click car le last click reste le modèle choisi par défaut sur le marché. Or, dans un monde idéal, ce que l’on recommande le plus aujourd’hui, c’est de sortir de ces modèles single touch pour passer à des modèles multitouch plus adaptés à la complexité du comportement de l’internaute (multi-device, canaux utilisés, durée de réflexion).” Hassen Hammeche, Analyste Web, Altesse (Les Georgettes by Altesse)
Fin des cookies tiers : un frein majeur pour l’attribution
L’attribution est probablement l’un des domaines du digital les plus impactés par la fin des cookies-tiers. La fenêtre d’attribution notamment (période entre l’exposition de l’internaute à une publicité (ou clic) et le moment où il a converti (conversion post-view ou post-click), dépend de la durée de vie des cookies. Il faut noter que les restrictions liées aux cookies tiers ont commencé bien avant que Google n’annonce que les cookies tiers seront bloqués sur Chrome d’ici 2023. Apple avait en effet déjà mis en place ses restrictions en maintenant les cookies tiers pour une durée de 24h seulement (vs 30 jours voire plus selon le délai de réflexion nécessaire à l’achat du produit).
En outre, en plus de complexifier la consolidation des données multi-device, la fin des cookies tiers pousse les acteurs à revoir les modèles d’attribution actuels, historiquement basés sur les cookies eux aussi.
Consentless : l’impact sur l’analyse du parcours utilisateur
A cela s’ajoute l’application du RGPD et le renforcement des règles de consentement (CNIL) qui représentent un frein important pour le suivi du parcours utilisateur conditionné aux choix qui s’offrent désormais à l’utilisateur quant au tracking de sa navigation : le consentement ou le non-consentement (y compris le trafic à la fois non-consenti et non-logué qui représente le pire des cas pour un marketeur). En d’autres termes, la vision intégrale du parcours client pourrait progressivement disparaître.
Comme dans le cadre de l’adblocking, cette part de trafic qui utilise un média sans contrepartie occasionne un manque à gagner pour les éditeurs comme pour les annonceurs.
L’attribution marketing, particulièrement touchée par la fraude
Bots, fraude publicitaire et autres mauvaises pratiques… Etant directement liée à des questions de rémunération, l’attribution/ contribution est un domaine très visé par la fraude : fraude au dernier clic, cookie dropping, hijacking de paramètres, ajouts de pixels d’impression, etc. Elle représente un véritable manque à gagner pour les acteurs de la publicité digitale.
Consent walls, login walls, ID cookieless : le futur du parcours client
Aujourd’hui, face à ces nombreux obstacles, les marketeurs doivent trouver la meilleure façon de définir de nouveaux parcours clients permettant de pérenniser l’attribution. La navigation on-site loguée s’impose notamment comme l’une des solutions.
”Les éditeurs et les annonceurs commencent à réfléchir à des solutions permettant d’amener les utilisateurs à se loguer via la souscription d’offres (exemple avec Allociné : “accéder au site pour 2€ TTC sans cookie ou accéder au site gratuitement en acceptant les cookies”), soit via des offres spécifiques (ex : remises si connexion au site). Aujourd’hui, les login walls se développent et bon nombre d’éditeurs pensent à opter pour des outils d’attribution basés sur le trafic consenti et logué utiles pour maintenir une partie de l’existant et des modèles d’attribution.” Pierre-André GAUTIER, Head of strategic partnerships EU de Liveramp
Néanmoins, il est évident qu’une part de trafic non-consenti et non-logué subsistera. Un problème qui pourrait par ailleurs favoriser les innovations technologiques ayant pour objectif d’identifier les individus sans cookie et de réussir à accroître la connaissance client en tirant parti des informations fournies via l’ensemble des touchpoints, y compris les points de contacts physiques (carte de fidélité, e-tickets, ID universels cookieless, etc.)
Pierre-André GAUTIER, Head of strategic partnerships EU de Liveramp : “Les ID universels (dont ATS) vont permettre de maintenir les outils d’attribution mais quoi qu’il arrive, le web sera un web à 3 vitesses : le web non consenti (qui ne sera pas facilement attribuable), le web consenti contextuel et le web consenti logué.”
Attribution et data : méthodes déterministes et méthodes probabilistes
Les diverses transformations de l’écosystème et les réglementations liées à la protection des données ont un impact sur le volume ainsi que la précision des informations collectées et par conséquent un impact sur les techniques marketing. “Il va falloir s’habituer à ce que toutes les solutions d’attribution, et de mix marketing modeling soient basées sur des méthodes probabilistes. Les marketeurs s’appuieront sur de la donnée extrapolée (méthodes d’extrapolations : produit en croix, vérification du taux de consentement en fonction des leviers d’acquisition pour redresser avec une compensation sur cette méthode d’extrapolation, etc..” Romain BAERT, CEO d’Addingwell
En parallèle, les ID cookieless ou ID universels permettront de faire reposer l’attribution et le marketing sur des méthodes déterministes.
Annonceurs : First part et server-side ou comment reprendre la main sur le tracking et la data
La fin des cookies tiers met en lumière deux problèmes de l’écosystème : le digital a été trop et trop longtemps centré sur le cookie, lui-même rattaché au navigateur (client–side), tandis que l’annonceur n’a pas suffisamment la main sur son tracking. En passant le tracking et les solutions du client-side (côte navigateur) vers le server-side (côté serveur), l’annonceur est en mesure de reprendre le contrôle de ses données en first-party tout en s’affranchissant des contraintes techniques imposées par les navigateurs (Safari et ITP, Chrome).
“Un changement technologique clé est en cours : on passe du cookie posé côté client via un outil de tag management traditionnel au cookie posé via un serveur afin qu’il soit maintenu et considéré comme de la first-party pour ne pas être bloqué par ITP, Chrome ou les adblocks, comme c’est déjà le cas aujourd’hui.” Romain Baert, CEO, Addingwell
L’émergence des data clean rooms
Les data clean rooms offrent un environnement fermé et sécurisé dans le cloud dont il est possible de tirer parti dans le cadre de l’attribution. Elles représentent un écosystème sûr pour transmettre des données anonymisées via un identifiant pseunonyme. Il est ainsi possible d’associer divers canaux (multicanal) à différents points de contact et de maintenir les outils d’attribution. Cependant, la vision du parcours client sera partielle (fin de l’attribution mass) et consistera à analyser des groupes, panels ou cohortes (ex : Privacy Sandbox).
L’innovation au service de l’attribution dans le nouveau monde à venir
Les technologies seront une fois de plus à l’œuvre pour apporter de nouvelles solutions pour conserver l’attribution marketing malgré la fin des cookies tiers et le renforcement du consentement. Parmi elles on retrouve notamment :
- LiveRamp qui fournit un environnement sûr et consenti pour travailler les bases client et établir des connexions dans le cadre du ciblage et de l’attribution cookieless, basés sur tous les points de contacts offline (sous le prisme d’un trafic consenti et logué)
- Addingwell qui facilite l’installation et la mise en place des outils server-side, ou encore Google Tag Management server-side
- Okube (Smart Traffik) qui permet de mesurer l’efficacité des investissements média (on et offline), de déterminer l’attribution/contribution de chaque levier (via le modèle algorithmique) et de générer des segments d’audience pour aider les annonceurs (enseignes) à être plus efficaces dans le cadre de leurs activations.
Entre efforts d’innovation et adaptation des modèles, l’écosystème semble bien être en mesure de pérenniser l’attribution marketing tandis que l’arrivée du web 3 et du métavers pourrait engendrer le développement de parcours clients de nouvelle génération.
Dossier constitué par Stéphanie Silo
Ce sujet a été débattu le 22 avril 2022 à l’occasion du webinar Topic of the Month lors du webinar des Ratecard Days. Le replay ainsi qu’une note de synthèse sur les points clés à retenir du webinar sont disponibles ici.
Prochain webinar Topic of the Month
« Plateformisation des solutions : exemples avec le programmatique et le Retail Media », le vendredi 20 mai 2022 lors des Ratecard Days. Inscriptions ici.