Ad-Exchange, analyses et expertise technique AdTech et MarTech
Data DMP Programmatique

Programmatique : quelle stratégie adopter pour reprendre le contrôle sur son activité publicitaire ? (interview de F. Duclos, Free)

Partager sur Linkedin

transparence, contrôle, maîtrise, visibilité

Début 2018, Media.Figaro et Le Monde Publicité annonçaient avoir mis fin à leur collaboration avec plus d’une dizaine de partenaires technologiques depuis leur rapprochement au sein de l’Alliance Skyline. Une décision prise à la fois dans l’optique d’améliorer la qualité de l’expérience utilisateur de leurs sites et de reprendre le contrôle sur leurs inventaires, deux éléments que l’activité programmatique avait peu à peu affecté. Résultat : au bout de quelques mois, les deux éditeurs enregistraient +50 % de chiffres d’affaires.

Dirigeant la régie de Free depuis sa création et commercialisant seule les espaces publicitaires du site, Françoise Duclos, Directrice Commerciale a pris le train de la programmatique très tôt. Nous avons eu l’honneur de l’interviewer afin de prendre la température du marché et de savoir si la démarche initiée par ces deux gros éditeurs était en passe de se généraliser.

 Quel est votre point de vue sur la décision de Media.Figaro et Le Monde Publicité ? Etes-vous dans cette même démarche et sur quels critères sélectionnez-vous vos partenaires ?

F.D : Je pense que la décision de Le Monde et de Le Figaro est réactive. Cela répond à plusieurs problématiques et rappelle que plus on a de partenaires, moins bien on travaille avec eux.

Il est nécessaire de tester la fiabilité des partenaires. Les collaborations peuvent apporter de bonnes comme de mauvaises surprises qui nous poussent à se passer de certaines d’entre elles.

Plus la liste de partenaires est réduite, plus grande est la possibilité de garder la main sur son inventaire mais également sur son budget. La complexité est de déterminer avec qui travailler. Autrement dit, de savoir en quoi un acteur est meilleur qu’un autre et quelle est sa valeur différenciante.

A la Régie de Free, nous avons dans un premier temps commencé à exploiter Doubleclick Ad Exchange afin de solder nos invendus (inventaires). Nous travaillions avec beaucoup de partenaires que nous faisions tourner en pass back pour maximiser le remplissage, ainsi que des SSP. Nous avons à peu près tout tester en terme de technologies native et programmatique.

Plus la liste de partenaires est réduite, plus grande est la possibilité de garder la main sur son inventaire mais également sur son budget.

A l’instar de Le Monde et de Le Figaro, nous avons réduit le nombre de nos partenaires. Nous nous sommes en effet limité à un partenaire par secteur : Amazon, Criteo et Doubleclick Ad Exchange. En ce qui concerne le Native Advertising, nous travaillons de plus en plus étroitement avec Outbrain mais nous n’avons négligé personne du marché.

Nous privilégions l’aspect relationnel pour le choix de nos partenaires et tachons de nous assurer que nos partenaires aient une volonté ferme de travailler avec nous. Le conseil, la fiabilité et la performance font évidemment partie des autres critères que nous recherchons chez un partenaire.

Parmi les éléments qui constituent la perte de contrôle sur leur activité publicitaire, les éditeurs comptent un manque de visibilité sur la diffusion avec pour conséquence des problèmes de brand safety. Faites-vous le même constat ?

F.D : Je ne pense pas que le programmatique en lui-même soit en cause dans la perte de contrôle évoquée par les éditeurs sur leurs inventaires. Je pense qu’il s’agit plus d’une question de volumétrie. En effet, on ne vend pas un magazine de 15 pages comme l’on vendrait un livre de 4 tomes.

On ne peut pas rentrer dans le détail lorsque l’on dispose d’un milliard d’impressions, on se concentre sur les opérations spéciales ainsi que sur la home page et toute autre partie importante du portail. En ce qui me concerne par exemple, je n’ai bien évidemment pas le temps de surveiller toutes les publicités sur nos webmails qui se comptent par centaines de millions. Or, il peut y avoir du tout-venant. Dans ces cas-là, les blocklists offrent une aide précieuse du moins lorsqu’elles sont bien paramétrées. Car dans le même temps, nous ne sommes pas à l’abri des problèmes techniques rencontrés par les partenaires qui peuvent avoir des conséquences désastreuses. Pour citer une anecdote : quoi de plus ironique et énervant pour un opérateur que de retrouver sur sa home page l’habillage très flashy d’un concurrent direct avec pour message « Changez d’opérateur », ce à cause d’une règle de blocklist qui « aurait sautée ».

Même avec une blocklist, il peut en effet y avoir des soucis de ciblage et de diffusion. Certains acteurs perdent ainsi de gros éditeurs de leur portefeuille.

Media.Figaro et Le Monde Publicité (y compris l’Alliance Skyline) sont désormais les seuls à vendre leurs inventaires. Ils évoquent une augmentation de leur CPM net de + 50% net depuis l’adoption de leur nouvelle stratégie. L’ampleur de cette croissance vous surprend-elle ?

F. D : Qui d’autres que les éditeurs seraient plus à même de vendre leur inventaire ? Nous maîtrisons notre commercialisation et gagnons plus, tout simplement parce que nous vendons mieux. Je suis personnellement et éthiquement en phase avec Le Figaro et Le Monde.

Aujourd’hui, nous maîtrisons davantage le sujet tandis qu’auparavant il était facile de se laisser séduire par les arguments de commerciaux promettant des revenus incrémentaux extraordinaires.

En outre, il ne faudrait pas passer sous silence les pertes financières dues à certaines pratiques douteuses qui créent une perte de confiance des éditeurs envers ces acteurs. Ces pratiques ne sont pas forcément volontaires mais mettent en exergue un certain manque de maîtrise de l’outil programmatique, ce qui nous poussent également à nous questionner sur le contrôle que nous avons réellement sur nos données dans le cadre des échanges programmatiques.

Qui d’autres que les éditeurs seraient plus à même de vendre leur inventaire ?

In fine, travailler avec moins de partenaires ne permet pas forcément de gagner plus d’argent bien que ce soit l’enjeu, mais cela assure d’en perdre moins et de perdre moins de temps.

A la Régie Free, nous augmentons actuellement nos revenus grâce au native qui selon nous est une solution de revenus incrémental assez efficace. Côté innovation, nous sommes en phase d’implémentation de notre propre header bidder qui pourra accueillir davantage de SSP et autres partenaires, sur lequel nous misons beaucoup pour une meilleure optimisation de la valeur et une meilleure maîtrise de notre inventaire.

 Propos recueillis par Stéphanie Silo

 

Laisser un commentaire