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Peut-on faire de la communication et de la publicité un exercice à impact positif ? (interview AACC)

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La responsabilité sociale des entreprises pour une agence de communication, cela vous paraît étrange ? Pourtant c’est une réalité qui concerne déjà plus d’une dizaine d’agences françaises, dont Fullsix, Havas Paris et Publicis Conseil . Ces structures ont reçu récemment le label « RSE Agences Actives ». Ce label est associé à un référentiel mis en place par l’Association des agences conseils en communication (AACC) avec Afnor Certification.

Nous interrogeons Gildas Bonnel, président de la commission développement durable de l’AACC et patron de l’agence Sidièse, pour comprendre de quoi il s’agit.

Que veut dire très concrètement pour une agence le fait d’appliquer la responsabilité sociale des entreprises ?
Gildas Bonnel, AACC
Gildas Bonnel, AACC ©samuel kirszenbaum.

Cela signifie pour l’agence qu’elle doit accepter de se connecter à une nouvelle réalité du monde et de la société. Nous sommes une industrie qui est assez « hors sol ». C’est le dernier secteur d’activité à avoir commencé à intégrer les enjeux du développement durable, contrairement à l’industrie minière ou manufacturière. Il nous a fallu près de 30 ans pour considérer que nous sommes aussi concernés par ces sujets !

C’était sans mesurer l’attente des citoyens et des pouvoirs publics à l’égard de notre responsabilité en tant qu’émetteurs de messages et de représentations sociales. En effet, l’agence ne produit pas la perceuse électrique, elle ne gère pas le sourcing des métaux ni le processus de fabrication. Son impact induit est pourtant extraordinaire, parce que c’est l’agence qui incite à l’usage de ces produits. Nous vivons un changement d’époque. La société toute entière est en droit de savoir si nous sommes conscients de ce que nous vendons.

On associe la communication à l’influence, la publicité à l’intérêt marchand. Comment y intégrer responsabilité et engagement social et environnemental ?

La communication n’est pas inéluctablement mariée à l’hyper consommation. Cette idée est un héritage. Nous avons des outils, des expertises et des connaissances qui sont au service de la société et de ses modèles de consommation et de partage. C’est  exactement comme les médias, l’éducation ou la télévision. Il n’est pas écrit sur le marbre que nous devons être au service d’un seul modèle d’économie et de comportement. Il suffit d’accepter et de revendiquer que nos talents et nos expertises sont à la disposition des transitions urgentes nécessaires à nos sociétés. Notre époque est compliquée.

La société toute entière est en droit de savoir si nous sommes conscients de ce que nous vendons.

Qu’est-ce que ce label peut changer ?

Le plus important est le référentiel. Le label est la cerise sur le gâteau, il sert à montrer au marché que l’agence labellisée a intégré un référentiel commun sur la mesure de nos impacts sociaux et environnementaux.

Le référentiel a comme énorme avantage de nous donner collectivement une même grille d’analyse de nos impacts sociaux et environnementaux et des méthodes servant à les améliorer. N’importe quelle entreprise de notre secteur peut s’y reconnaître.

Pouvez-vous nous donner un exemple concret de ce qu’il est possible d’améliorer ?

Un exemple est l’écoconception. On a pendant longtemps cru qu’il suffisait de dématérialiser pour respecter la planète. Or,  on sait aujourd’hui qu’internet a le même impact sur le climat que le transport aérien mondial. Et les émissions vont doubler d’ici deux ans, ce qui fait que l’activité digitale est une véritable bombe environnementale. Cela fait partie des chapitres que nous observons. Par exemple, nous cherchons à savoir si l’agence mesure les impacts sociaux et environnementaux de ses prestations digitales. Nous l’interrogeons pour savoir si elle possède une politique de limitation de ces impacts et si elle les communique à ses clients.

Prenons un autre exemple, celui des stéréotypes de genre dans notre secteur. Ces représentations que nous donnons au monde ont une influence extrêmement puissante sur les individus. Ce référentiel met en lumière l’accompagnement qu’il est nécessaire de mettre en place en termes d’éducation et de sensibilisation pour favoriser un changement culturel dans les agences.

En d’autres mots il s’agit de changer la mentalité de ceux qui créent le message publicitaire ?

Oui, il s’agit de comprendre l’impact de notre travail sur la réputation de notre secteur et sur l’efficacité des messages que nous construisons pour les marques que nous accompagnons. Nous nous devons d’être pertinents et de répondre aux attentes sociales. Il nous faut comprendre ces enjeux.

Par ailleurs, cette conscience est très importante pour notre attractivité auprès des jeunes talents. Pensez au « Manifeste étudiant pour un réveil écologique ». Ces jeunes talents souhaitent aller dans le sens de la transformation, ils ne veulent pas abandonner leur conviction citoyenne en allant travailler. Nous devons être sensibles à cela.

Mais est-ce que cela implique d’abandonner des grands comptes qui polluent les océans ou qui contribuent fortement aux émissions de gaz à effet de serre ?

Le référentiel prend en compte le pilotage de ces sujets-là. Il interroge l’agence pour savoir si elle a mis en place une vision éthique de ces différents sujets. Ce n’est pas à nous syndicat professionnel de dire ce que les agences doivent faire ou pas. Chacun est libre dans son business. Mais il nous paraît très important que les entreprises prétendant à cette labellisation aient mis en place une feuille de route par laquelle elles s’engagent à piloter ces sujets éthiques.

Les agences qui tiennent compte de la sensibilité de leurs collaborateurs et de leurs créatifs se portent beaucoup mieux que celles qui n’y prêtent pas d’importance. Par ailleurs, on peut agir dans le sens de la transformation en accompagnant les entreprises à sur la bonne connaissance de l’impact de leurs décisions stratégiques sur leur durabilité.

Les agences qui tiennent compte de la sensibilité de leurs collaborateurs et de leurs créatifs se portent beaucoup mieux que celles qui n’y prêtent pas d’importance.

Est-ce que le chemin est long ?

Oui le chemin est long. Cela nous interpelle sur nos modèles et sur la finalité de nos métiers. Il faut d’abord lever les peurs de s’y confronter.

Propos recueillis et édités par Luciana Uchôa-Lefebvre

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