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Lettre ouverte à Google : et après ? (interview H. Chartier, SRI)

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La manière dont Google a interprété et appliqué le Règlement général de protection de données (RGPD) jugée assez restrictive a eu un impact vraisemblablement désastreux sur l’industrie française de l’édition et de la publicité en ligne. Annonceurs, agences, éditeurs, régies et prestataires techniques – à travers leurs organismes représentatifs l’UDA, l’Udecam, le Geste, le SRI et l’IAB France – ont ainsi signé une lettre ouverte à Google lui demandant plus de concertation. Dans cette lettre, ils indiquent que les nouvelles règles imposées par Google ont eu pour conséquence « de restreindre les possibilités pour les marques d’accéder aux espaces publicitaires des médias de leur choix dans les conditions habituelles et pour les médias et leurs partenaires technologiques de se voir couper d’une partie significative de leurs revenus ». Mais qu’espèrent-ils désormais ? Et comment analysent-ils la dépendance de l’écosystème à l’égard de Google ? Nous interrogeons Hélène Chartier, directrice générale du Syndicat des régies internet (SRI), pour en savoir plus.

Qu’attendez-vous maintenant, à la suite de la publication de votre lettre ?

Hélène Chartier, SRI.

La transition RGPD de Google a engendré une crise importante le 25 mai dernier,  avec des impacts majeurs observés sur l’ensemble des acteurs de la chaîne d’achat médias : éditeurs, régies, annonceurs, agences, outils notamment. Evidemment, tous les acteurs doivent se mettre en conformité avec le RGPD, qui en soi est plutôt une bonne chose, mais étant donné l’état d’interconnexion entre les acteurs, cela ne peut se faire sans concertation, notamment de la part d’un acteur aussi puissant que Google. Son interprétation du sujet et les nouvelles règles imposées brutalement ont secoué tout l’écosystème. Au SRI, nous avons immédiatement pris position et très vite réagi avec l’interprofession par le biais de cette lettre ouverte dont nous attendons deux choses : une interopérabilité totale des systèmes de Google avec le reste des outils, pour éviter tout déséquilibre concurrentiel et surtout davantage de transparence, d’anticipation et de concertation entre Google et les différentes parties de la chaîne  de valeur. Ce qui s’est passé le 25 mai ne doit pas se reproduire.

Vous expliquez dans votre lettre que les changements des conditions d’utilisation des technologies publicitaires de Google, notamment sur Double Click Manager (DBM), le DSP de Google, ont entraîné une coupure massive des achats venant de DBM. Pouvez-vous nous donner des exemples de l’impact de cette décision de Google sur le chiffre d’affaires ou le volume d’impressions monétisées par les éditeurs ?

Il est difficile de donner un chiffre global mais il est évident que les éditeurs et leurs régies ont été impactés. Bien sûr, ceux qui opèrent via les outils de Google n’ont pas trop subi d’impact mais ceux qui utilisent d’autres SSP ont vu le volume d’achat DBM chuté très clairement le 25 mai. La plupart des SSP, ou 3rd party exchanges selon les termes de Google, ont été « whitelistés » dans les jours qui ont suivi mais d’autres, plus locaux, et de taille moins importante, n’ont été « rebranchés » que très récemment.

Google a décidé de limiter les partenaires externes (SSP) accédant à son DSP. En pratique après le 25/05 et dans un premier temps en tout cas DBM  a rejeté la majorité des requêtes venant de SSP du marché. Est-ce une interprétation légitime du RGPD d’après vous ?

Si c’est le cas, c’est le choix de Google et non pas un effet de la mise en application du RGPD, sauf bien sûr si les SSP en question ne sont en conformité avec le nouveau Règlement. Concrètement, cela aura pour conséquences directes  de réduire le choix et l’accès à tous types d’inventaires pour les agences et les annonceurs qui achètent via DBM.

La chaîne de valeur publicitaire est très intimement reliée. Nous savons qu’en programmatique ses différents maillons sont interconnectés. Mais Google reste malgré tout un environnement fermé. Comment parvenir à leur imposer plus de concertation ?

Google revendique être un écosystème ouvert mais il est vrai que depuis quelques années, on peut légitimement se demander s’il n’est pas en train de se refermer.  Déjà, en août 2015, l’accès à Youtube en programmatique se réduisait à DBM; puis, en avril dernier,  Google a  annoncé limiter l’usage de l’ID DoubleClick, ce qui va impacter les agences et les annonceurs, les systèmes étant moins interopérables tant en termes d’achat, que de créativité et de mesure.

DBM n’est pas le seul DSP du marché, d’autres plateformes d’achat publicitaire existent. Cet épisode montre qu’en pratique l’industrie reste grandement dépendante de DBM. Qu’en pensez-vous ? Comment réduire cette dépendance ?

Oui bien sûr, mais  c’est toujours plus facile à dire qu’à faire, surtout en France où il y a souvent une prime au leader. Cependant, peut-être que les récents évènements pourront changer la donne. Soulignons quand même qu’en France, c’est la première fois que l’interprofession s’unit pour faire valoir ses positions auprès de Google et entamer un dialogue. Mais qu’en est-il du reste des pays européens ? Qu’ont-ils observé le 25 mai dernier ?  C’est en abordant le sujet au niveau européen qu’on aura suffisant de poids pour faire changer les pratiques.

Questions formulées par Luciana Uchôa-Lefebvre

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