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Data: « La crainte d’un ‘big brother marchand’ est complétement exagérée » (Publicis ETO, itw)

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Publicis ETO

Ils se définissent comme une agence hybride Data/Marketing pour « associer le savoir-faire d’une agence de marketing relationnel à celui d’une SSII spécialisée dans le Data/Marketing » et ainsi accompagner leurs clients dans la conception, l’animation et la production de campagnes multicanal. Ils publient notamment depuis 2007 « Le baromètre de l’intrusion » qui étudie la manière dont les consommateurs (français) perçoivent leur relation aux marques, justement à travers l’angle du respect de la vie privée. Nous avons évidemment souhaité en savoir plus sur leur conception de leur travail en tant que spécialistes de la data, de la publicité personnalisée et du respect de la vie privée. Et ils sont deux à nous répondre dans le cadre de notre série consacrée à ce sujet: Yan Claeyssen, directeur général de Publicis ETO, et Samir Amellal, International Chief Data Officer Publicis Worldwide.

Yan ClaeyssenJamais auparavant les marques n’avaient d’accès à autant de données au sujet de leurs cibles et ce grâce aux méthodes de tracking des traces laissées par les utilisateurs dans leur navigation en ligne. D’une manière générale, que ce soit sur le desktop ou le mobile, pensez-vous que l’industrie de l’ad tech est respectueuse de la vie privée des consommateurs ? Pourquoi ?

Yan Claeyssen : Publicis ETO travaille sur la donnée depuis le début des années 90. Nous avons participé au lancement des premières cartes de fidélité pour de nombreux retailers. La majeure partie d’entre eux ne voulaient pas gérer les data nécessaires à l’animation de ces programmes. C’est pourquoi nous avons intégré les métiers du Data Management et de la Data Science au sein de notre agence. Aujourd’hui, sur 300 collaborateurs, les profils IT et Data Scientists représentent plus de la moitié des effectifs !

L’émergence du digital a considérablement multiplié la quantité de data disponibles : mots clés saisis sur Google, bannières vues et/ou cliquées, parcours de navigation, ouverture de mail, temps passé sur un site, avis conso, like, post, commentaires sur les media sociaux, etc. C’est une formidable opportunité pour les annonceurs et les agences comme nous, qui avons une forte culture de la donnée et de son exploitation marketing. Les possibilités sont illimitées technologiquement. En revanche, les contraintes sociétales se renforcent, d’un côté par une législation de plus en plus contraignante ; de l’autre par les craintes parfois légitimes des consommateurs. Aujourd’hui, pour répondre précisément à votre question, il y a de la part de l’industrie des ad tech beaucoup plus de respect qu’on ne le croit. Les annonceurs, notamment les grandes marques, ne peuvent pas se permettre d’être intrusifs, d’être hors la loi et a fortiori de ne pas respecter une certaine forme d’éthique et de considération envers leurs consommateurs.

Samir Amellal : Il y a néanmoins beaucoup de fantasmes de la part de certains lobbies consuméristes. La crainte d’un « big brother marchand » est complétement exagérée. Dans la réalité, nous en sommes très éloignés.

Vous étudiez chaque année la perception des consommateurs français de la manière dont les informations les concernant sont collectées et enregistrées. Votre baromètre 2015, publié début juillet, montre que les Français sont de plus en plus nombreux à voir dans la collecte des données les concernant une intrusion. D’après vous, comment concilier la publicité personnalisée, et la publicité tout court, dont on sait qu’elle est indispensable au financement des éditeurs en ligne, l’usage de données pour le ciblage de campagnes et le respect de la vie privée ?

YC : C’est complexe ! D’un côté, les consommateurs craignent l’émergence d’un « big brother marchand ». Ils ont peur d’être espionnés à leur insu par des dispositifs de tracking de plus en plus perfectionnés et de plus en plus cross-canal. De l’autre, les attentes des annonceurs, et des médias, sont très fortes. Nous pourrions croire que ce problème est insoluble. Je ne le pense absolument pas ! Entre les deux, il y a de la place pour des dispositifs gagnant/gagnant qui répondent aux craintes et aux attentes des deux parties. Coté conso, il faut davantage mettre en avant les bénéfices que rendent possible ces nouveaux dispositifs : éviter la surpression publicitaire et avoir des offres a priori complétement en phase avec leurs attentes. Coté annonceur, il faut comprendre les craintes des consommateurs et être beaucoup plus transparent sur les données collectées et leur exploitation. Il faut donner plus de pouvoir aux consommateurs sur la gestion de leurs propres données comme faciliter la suppression et/ou la modification du profil par exemple.

SA : Nous avons d’énormes progrès à faire dans ces domaines. Le marché et notamment les annonceurs doivent prendre conscience non seulement de l’opportunité qu’offre la data mais aussi de la nécessité d’expliquer ces nouveaux procédés auprès de leurs consommateurs en leur démontrant ce qu’ils ont à y gagner.

Baromètre de l'intrusionComment opérez-vous le volet data de vos clients ? Avez-vous développé des outils propriétaires du type DMP ? Travaillez-vous avec des prestataires extérieurs ? Lesquels ?

YC : Publicis ETO est une agence et non un éditeur. Nous avons par contre une longue expérience dans le design et la mise en place de dispositifs CRM et Data Marketing. Si par le passé nous avons développé des plateformes en nous basant sur nos propres solutions, c’est parce que nous ne trouvions pas sur le marché de soft répondant à nos attentes. Ce n’est plus le cas depuis 3 ans. De fait, nous intégrons aujourd’hui des solutions telles que Adobe ou Salesforce. Nous travaillons également avec des éditeurs plus petits mais dont les solutions correspondent parfaitement aux besoins de nos clients. Je pense par exemple à Ysance ou encore Selligent. Si l’objectif n’est pas de multiplier les partenaires – impossible de former l’ensemble des collaborateurs à toutes les techno – nous sommes néanmoins toujours en veille et prêts à tester de nouvelles solutions innovantes. Du coup, nous nous positionnons comme un architecte de l’écosystème data marketing de nos clients. L’objectif est de les accompagner, en fonction de leur SI existant ET de leurs objectifs business, dans la mise en place et le running de leur plateforme data marketing.

SA : Pour nous, la donnée est une ressource brute, comme pour le pétrole, sa valeur ne s’exprime que lorsqu’elle est raffinée. C’est pourquoi, bien que nous ne développions pas d’outils, nous produisons des analyses basées sur des méthodes mathématiques parfois très avancées comme Deep Learning, Bootstrap, Processus Markoviens, Inférences Bayesien, SVM … Ces approches permettent de transformer la donnée en une information intelligible.

Comment réussir à croiser la base de données clients d’une marque ou magasin « off line » avec les données en ligne (les profils, les cookies) de ces mêmes personnes ? Comment les identifier sur l’univers digital ?

SA : Ce n’est pas une chose aisée même si des solutions commencent à émerger et à être testées. Nous réalisons des POC sur des sujets structurants avec certains clients retailers. Il est possible par exemple de mettre en place des bornes en magasin qui peuvent capter l’adresse MAC d’un smartphone et d’associer ensuite cette adresse à un identifiant client si le client a déjà visité le site depuis chez lui. C’est intéressant mais cela ne permet de capter qu’une petite partie des visiteurs…

Faites-vous usage et à quel niveau de base de données dites 3rd party et quel est intérêt de les utiliser ?

YC : Nous ne possédons pas de bases 3rd party mais nous sommes parfois amenés à travailler avec des sociétés telles que Weborama pour permettre à nos clients d’avoir accès à une audience hyper qualifiée pour mieux cibler leurs prospects. Ce type d’acteurs permet également de qualifier les visiteurs d’un site de marque et d’optimiser la performance de leurs actions (embasement, vente, etc.).

Amellal_SamirLes comportements des consommateurs étant aujourd’hui multi-écrans, l’industrie laisse petit à petit de côté l’usage des seuls cookies pour approcher des méthodes de suivi cross device. On entend alors parler de fingerprint, de device ID, de http header. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce que vous pensez de ces différentes méthodes ? Et de l’usage que vous en faites ?

SA : Nous utilisons des technologies de type Finger Printing pour certains de nos clients qui désirent avoir une vision multidigitale du comportement de leurs consommateurs. Cela donne des résultats très intéressants même si c’est à mon avis encore perfectible. Plusieurs méthodes existent : exploitation de l’adresse MAC, des WIFI utilisés, géolocalisation, etc. L’objectif est de trouver les meilleures combinaisons de variables pour obtenir une probabilité forte de tracer un même profil.

Le consortium W3C a récemment critiqué très sévèrement les méthodes de tracking sans cookies (lire ici leur déclaration). Que pensez-vous de leur déclaration ?

YC : Tant que la loi et le consommateur sont respectés, je ne vois pas où est le problème. Et a fortiori lorsque cela permet de fournir des services individualisés à forte valeur ajoutée !

Google s’est mis récemment à faire de la pédagogie auprès de ses clients pour les inciter à mieux informer les utilisateurs sur l’usage de cookies, en vue de se conformer aux futures nouvelles réglementations européennes. Que pensez-vous de cette initiative ?

YC : C’est une très bonne initiative, même si ce n’est évidemment pas désintéressé 😉 Publicis ETO est d’ailleurs un membre actif de la délégation Customer Marketing de l’AACC. Nous avons également pris des initiatives dans ce sens. Cela me semble essentiel d’expliciter le COMMENT et le POURQUOI de ces technologies. Comme évoqué plus tôt, il y a beaucoup de fantasmes autour de ces technologies. L’objectif de cette pédagogie est de les dépasser et de revenir au réel. L’objectif est également d’expliquer pour les personnes qui ne désirent pas être reconnues et/ou ciblées qu’elles peuvent paramétrer leur navigateur web, leur page Facebook ou encore leur smartphone pour bloquer les dispositifs data marketing.

SA : Il n’y a pas d’antagonisme entre les intérêts des marques et ceux des consommateurs. Les marques sérieuses savent bien que la sursollicitation est contreproductive et elle ne tracke pas pour tracker mais pour améliorer la pertinence de sa relation client. Plus c’est fait avec la collaboration des consommateurs, plus c’est efficace dans les deux sens !

Quelles sont vos priorités pour cette rentrée en France en matière de data ?

YC : Nous avons trois priorités. La première est de continuer notre développement commercial. Depuis que nous avons rejoint le groupe Publicis, nous avons une très belle croissance car la demande en expertises data est très forte parmi les clients du groupe. Il est important pour nous de prolonger ce développement en démontrant notamment comment la data permet de renouveler et d’enrichir les métiers de la communication, de la création et du marketing.

PUBSIG_LION_ETOEn point deux, nous avons un important défi RH. En effet, le gain de nouveaux projets ces derniers mois nous obligent à recruter des profils data scientists, des développeurs, des intégrateurs, des spécialistes des flux, etc. Ces expertises sont rares. Il est essentiel de savoir les attirer, les séduire et les retenir.

Le troisième point est de continuer à innover. Nous avons la chance d’avoir une mixité de profils extraordinaires chez ETO : des data scientists, des informaticiens, des statisticiens, des creative technologists mais aussi des planneurs stratégiques, des créatifs, des marketeurs spécialisés en CRM. Cette diversité, à condition d’être « transversalisée », nous permet d’apporter à nos clients des réponses techno-marketing très innovantes et surtout performantes en termes de business. Ainsi, chaque année est organisé un technoday. Un client nous briefe sur une problématique spécifique. Nous formons des équipes transversales avec chacun de ces profils et les équipes ont un mois pour réaliser un pilote. Nous avons travaillé sur ces sujets pour Danone et Sephora et avons conçu pour eux des objets connectés. Nous allons réitérer cette opération avec une marque de luxe dans les mois qui viennent. C’est intéressant pour nos clients mais aussi et surtout pour introduire le techno marketing et la data créativité au sein de nos équipes !

Luciana Uchôa-Lefebvre

(Images : Publicis ETO et captures de www.publicis-eto.fr.)

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