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Blockchain et publicité: quels principes, quels usages? (interview de C. Jeanneau, Blockchain Partner)

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Blockchain

Si tout le monde parle aujourd’hui des technologies de blockchain, y compris de leurs promesses pour l’écosystème de la publicité en ligne, peu savent vraiment les définir et encore moins les détailler très concrètement. Tous semblent cependant d’accord pour leur attribuer une importance grandissante dans tous les secteurs d’activité notamment parce que ces technologies sont en réalité des systèmes permettant d’enregistrer des données de manière transparente et inviolable. La preuve de cet engouement en France est la quantité d’expérimentations en cours orchestrées par des spécialistes dans ce domaine pour le compte d’importantes entreprises. Pour tenter de voir plus clair sur le fonctionnement des blockchains et notamment sur leur utilité pour le marché de la publicité en ligne, nous interrogeons Clément Jeanneau, co-fondateur et directeur des contenus de Blockchain Partner, start-up spécialisée qui conseille et accompagne des acteurs comme la Banque de France, la SNCF, BNP Paribas, La Poste et Carrefour.

Vous présentez les technologies de blockchain comme une véritable réponse au défi de la transparence du marché de la publicité en ligne, dans un livre blanc que vous avez publié récemment. Est-ce vraiment envisageable à ce jour?

Clement Jeanneau_Blockchain Partner
Clément Jeanneau, Blockchain Partner.

Ces technologies sont effectivement très prometteuses pour améliorer la transparence du secteur, en revanche il serait sans doute présomptueux de dire que leurs applications sont fonctionnelles dès aujourd’hui pour la publicité en ligne. Les acteurs qui travaillent sur ces sujets sont aujourd’hui dans une phase soit exploratoire (identifier les cas d’usages pertinents) soit expérimentale (tester les cas d’usage identifiés). Je conçois bien que certaines idées présentées dans notre étude puissent sembler encore peu concrètes; c’est du reste tout à fait possible qu’une partie d’entre elles se révèlent difficiles à mettre en pratique. Les expérimentations serviront justement à faire un tri. L’idée de l’étude n’est pas de dire que la blockchain peut changer à court terme le marché de la publicité en ligne, mais plutôt de mettre en avant un éventail des possibilités, parfois prospectives. Le but est de susciter l’intérêt chez les professionnels du secteur pour créer ensuite des collaborations, mutualiser leur expertise sur la publicité digitale et notre expertise sur la blockchain.

Si je comprends bien c’est exactement ce qui se passe dans les autres secteurs d’activité que vous accompagnez, mais qui pour certains ont tout de même une bonne longueur d’avance, je pense notamment au secteur bancaire où vous mettez en place des projets d’utilisation des systèmes de blockchain déjà dans une phase plus opérationnelle, non?

Exactement. Le secteur bancaire a été le premier à s’intéresser à ces technologies et à les expérimenter, dès 2014 et 2015 pour les groupes bancaires les plus en avance, et de façon plus large à partir de 2016. De façon logique, c’est donc aujourd’hui le premier secteur où l’on voit apparaître les premières mises en service d’expérimentation blockchain, comme le projet de décentralisation du registre d’identifiants créanciers Sepa (ICS) à la Banque de France dont nous avons lancé la mise en production début janvier 2018. Des domaines comme l’assurance et les industries culturelles (pour l’automatisation de relations contractuelles), l’agroalimentaire et le transport (pour la traçabilité) ou encore l’administration publique (pour la certification d’authenticité de documents) en sont plutôt à la phase de proof-of-concept (PoC). Enfin, d’autres secteurs comme l’industrie pharmaceutique et la publicité en ligne s’y sont intéressées plus récemment et sont donc avant tout dans les premières phases du processus.

Les acteurs qui travaillent sur ces sujets sont aujourd’hui dans une phase soit exploratoire soit expérimentale.

Pouvez-vous nous repréciser ce qu’une blockchain et à quoi pourrait ressembler grosso modo sa mise en application au sein du système de la publicité en ligne, avec ses éditeurs/régies, plateformes SSP, plateformes DSP, agences et annonceurs?

Tracking, pas.Une blockchain est une base de données qui présente trois caractéristiques: elle est transparente (tous les acteurs autorisés au préalable peuvent y lire les données inscrites), décentralisée (aucune autorité centrale ne la possède ni la contrôle) et extrêmement sécurisée (grâce à des procédés cryptographiques et surtout à la réplication de son contenu sur de multiples serveurs). Elle ne stocke pas des documents mais des empreintes de documents ou de données. A chaque donnée correspond une empreinte numérique: si la donnée est modifiée ne serait-ce que d’un seul caractère, son empreinte sera entièrement différente. Cela permet de vérifier l’intégrité d’une donnée (pour prouver qu’elle n’a pas été altérée), et de voir qui l’a inscrite à quel moment (fonction d’horodatage). Dans le cas de la publicité en ligne, plusieurs modèles d’utilisation de la blockchain sont envisageables en utilisant certaines de ses caractéristiques plutôt que d’autres, en fonction des buts recherchés. Le projet Amino vise par exemple à tracer et enregistrer dans une blockchain l’activité de tous les acteurs impliqués dans la chaîne de valeur, dont les dépenses de chaque acteur durant le processus. Le projet AdEx, de son côté, cherche à remplacer tout le réseau actuel des SSP, DSP et plateformes d’échanges, en permettant des interactions directes et automatisées entre annonceurs, éditeurs et internautes, grâce à des smart contracts (des programmes autonomes capables de s’exécuter automatiquement si des conditions définies à l’avance, inscrites sur une blockchain et donc non-modifiables, sont satisfaites). Ce ne sont que des exemples parmi d’autres, et chaque projet défend sa propre méthode: nous en présentons une dizaine dans notre étude, et invitons les lecteurs intéressés à aller lire les white papers (document plus détaillé) des projets sur leur site. S’il est difficile de dresser un portrait type des différents projets, trois caractéristiques fortes se dégagent: transparence permise par le registre blockchain, désintermédiation permise par l’automatisation des smart contracts, et privacy permise par la capacité à exploiter des données anonymisées.

A chaque donnée correspond une empreinte numérique: si la donnée est modifiée ne serait-ce que d’un seul caractère, son empreinte sera entièrement différente.

Alors revenons à l’essentiel: pourquoi très concrètement la blockchain peut être envisagée comme une solution capable de résoudre les problèmes de fraude et de fuite de données dans le circuit d’achat publicitaire en ligne?

Tout d’abord, grâce à la transparence de son registre incorruptible et qui n’est contrôlé par personne. Dans ce cas, la blockchain en tant que registre ne garantit pas que telle ou telle information est correcte mais permet de responsabiliser chaque partie prenante puisqu’il devient très facile de vérifier qui a introduit une fausse information dans le registre. La blockchain est utile justement dans le cas où de multiples parties prenantes (différents acteurs d’une même chaîne de valeur par exemple) doivent collaborent ensemble mais ne se font pas entièrement confiance (a priori), ou ont des intérêts divergents Cela permet dès lors d’avoir une vue d’ensemble et de confiance de toutes les données liées à une impression. Ensuite, grâce aussi au système de tokens qui peuvent servir à tracer les parcours des impressions et servir de jetons d’identifiants/de validation.

La suite de l’interview de Clément Jeanneau, co-fondateur et directeur des contenus de Blockchain Partner, sera publiée demain.

Propos recueillis par Luciana Uchôa-Lefebvre

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